Notre contribution à la lutte contre la traite des êtres humains (TEH) dans le golfe de Guinée a consisté à mobiliser la communication pour le développement (C4D) pour appuyer des comités de lutte anti-TEH en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Entre 2020 et 2021, un programme financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France nous a permis de mettre en place des stratégies de lutte. Nous en avons tiré 10 enseignements pour toutes les organisations qui se mobilisent contre ce fléau.

Leçon n°1 : Les comités appelés « interministériels » doivent être inclusifs et rassembler la plupart des acteurs de la lutte du territoire, des organisations internationales comme l’OIM aux ministères concernés en passant par les organisations de la société civile et même les médias.

Leçon n°2 : Ces derniers ont un rôle crucial à jouer pour mener des investigations et pour informer sur les réalités de la traite sans tabou. De ce point de vue, l’analyse de la presse permet de mieux cibler des actions avec les médias.

Leçon n°3 : Les stratégies de C4D doivent renforcer l’impact des plans d’action des comités et s’articuler autour des 4 M (Montrer les actions, Mener des campagnes de sensibilisation ciblées en fonction des priorités, Mobiliser pour la protection des victimes et Mettre en œuvre la stratégie).

Leçon n°4 : Une alliance d’organisations et d’individus est très importante pour la mise en œuvre des stratégie (task-force communication) car le saupoudrage d’actions et les initiatives isolées ont un impact limité. De même, les moments de sensibilisation ont plus résonance que d’autres. C’est le cas de la journée internationale de lutte contre la TEH (31 juillet).

Leçon n°5 : La lutte est aussi (et parfois surtout) sur le net, haut lieu de désinformation et de recrutement. Ainsi, le Ghana envisage de mettre en place une cellule de cybercriminalité dans ce domaine. Dans les 3 pays, les trafiquants recrutent des victimes en faisant miroiter des salaires mirobolants pour être par exemple modèles, actrices ou footballeurs. (Exemples de la campagne réseaux sociaux en Côte d’Ivoire ci-dessous en fin d’article).

Leçon n°6 : La sensibilisation doit précéder la mobilisation étant donné que certaines formes de traite (comme le confiage ou la mendicité pour autrui par exemple) ne sont pas forcément considérées comme un crime.

Leçon n°7 : Les enfants, les chauffeurs de transports publics et les enseignants sont des cibles importantes dans la mesure où ils peuvent être des lanceurs d’alerte.

Leçon n°8 : Il y a un intérêt évident à faire entendre la voix des victimes mais en préservant leur anonymat. Les actions qui les concernent doivent faire connaître leurs droits et possibilités de secours.

Leçon n°9 : Les actions de plaidoyer doivent cibler les acteurs de la chaîne judiciaire.

Leçon n°10 : En fin, toutes les actions doivent être envisagées sous forme de campagne pour créer une synergie et une mise en œuvre collaborative et coordonnée.

Com4Dev a complété son intervention avec un benchmarking international en analysant les campagnes dans d’autres pays comme la Colombie, très active contre la traite, ou encore les actions d’anciennes victimes en France.

Auteur.e Sophie Nick

Spécialiste en ingénierie de projets de communication pour le développement depuis quinze ans, de la conception à la recherche de financements. Elle conçoit également des stratégies de communication pour les ONG. Après avoir notamment travaillé pour la Fondation Charles Léopold Mayer, le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe et l’Institut Panos Afrique de l’Ouest où elle était directrice des programmes, elle met ses compétences au service d’organisations de la solidarité internationale en Europe et en Afrique dans des domaines divers : environnement, économie sociale, droits de la personne, lutte contre les discriminations.

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