L’engagement des bénéficiaires dans les projets de développement est reconnue aujourd’hui comme une condition essentielle au processus de pérennité des projets. Toute intervention visant une amélioration réelle et durable des conditions de vie des populations est vouée à l’échec si les personnes concernées ne la prennent pas en charge. Combien de puits ont été creusés sans que des comités de gestion soient impliqués dans leur conception ? Combien de projets ont été menés avant qu’on s’aperçoive qu’ils ne correspondaient pas vraiment à une demande ? Comme dit le proverbe « on ne mord pas la main qui donne à manger ». Un nouveau projet dans une zone est souvent bien accueilli mais, à moins que les populations ne soient impliquées à tous les niveaux d’intervention, de l’identification des problèmes à la recherche et à la mise en œuvre de solutions, il y a souvent peu de changement durable.
Comment faire en sorte que les projets mis en place soient réellement pérennes après la fin des financements ?
La communication pour le développement (C4D) est au cœur même de ce défi : elle élabore le processus par lequel les gens deviennent les principaux acteurs de leur propre développement. Grâce à la C4D, les populations cessent d’être des bénéficiaires d’interventions de développement qui leur sont extérieures pour prendre en main leur propre développement.
Généralement, la communication des projets se limite à la visibilité des actions et des bailleurs
La communication se borne aussi parfois à l’élaboration de banderoles pour des ateliers ou à la construction d’un énième site internet qui mourra avec le projet. Cette vision réductrice relève d’une conception quantitative des processus de développement et de communication, de plus en plus contestée, selon laquelle, la seule diffusion des connaissances et des informations, suffirait à leur réappropriation par les populations ciblées (et non participantes comme dans la C4D), et créerait mécaniquement une dynamique de développement et de changement social. Une vision à remettre en cause à deux niveaux :
- elle appartient aux modèles qui envisagent la communication comme une relation d’autorité et de persuasion dans laquelle le récepteur est considéré comme passif, et l’existence d’interaction entre émetteur et récepteur est ignorée ;
- elle est caractérisée par une confusion entre accroissement des connaissances et mise en œuvre de changements de comportement globaux et durables.
L’expérience a montré que les approches de communication qui se fondent sur une vision autoritaire, ou qui privilégient les seuls mécanismes de transmission d’informations et de connaissances, aboutissent à des résultats peu satisfaisants.
Les techniques et procédures de communication que ces concepts induisent sont fondés sur un type de transmission verticale de l’information depuis des émetteurs « qui savent et peuvent », vers des récepteurs « ignorants et passifs ».
Il s’agit de modèles axés essentiellement sur les comportements individuels et non sur des approches participatives privilégiant les changements de comportements au sein des communautés.
Les objectifs de communication visés sont souvent trop généraux, et ne prennent pas en compte les spécificités des catégories de la population concernées. La communication est perçue et mise en œuvre sous la forme exclusive d’activités de popularisation, de vulgarisation et de promotion, et non comme faisant partie d’un processus global de changement social et de développement.
Les stratégies de communication
Elles ne sauraient aboutir aux résultats escomptés, en termes de changement de comportements individuels et collectifs, d’innovations sociales et de développement, que si elles se transforment, de stratégies non participatives, en stratégie fondées sur une implication effective des populations concernées par les changements désirés. Pour cela, il est indispensable d’opérer une réorientation tant de la vision que des principes.
Dans la communication pour le développement (C4D), l’accent est mis sur des caractéristiques nouvelles qui en modifient sensiblement l’orientation pour en faire des approches horizontales inclusives:
- privilégiant la concertation, le dialogue et la participation effective de tous les acteurs ;
- conscientes que les évolutions sociales et les changements durables sont le résultat de processus à long terme ;
- visant les changements collectifs, l’habilitation des communautés et la prise de décision collective ;
- inclusives ; ayant comme objectif la pleine participation des communautés, à travers des mécanismes de dialogue et de participation démocratiques ;
- spécifiques, à chaque segment concerné et adaptées au langage, à la culture et aux valeurs sociales des communautés ;
- soucieuses des aspirations des communautés et contribuant à la construction d’une conscience collective et durable.
Le développement ne saurait être durable s’il n’est pas étroitement tenu compte des facteurs socioculturels des populations concernées et si celles-ci ne participent pas à la réflexion sur leur situation et au choix des objectifs à atteindre et des moyens pour y parvenir.
On peut définir la communication pour le développement comme l’ensemble des outils, processus d’information, d’actions et d’évaluation qui privilégient les contextes locaux et qui concourent à une bonne compréhension de leur situation par les individus et les communautés, à une conscience des potentialités et des options qui s’offrent à eux, et qui œuvrent à impulser et entretenir la participation d’une population à des changements comportementaux positifs et à son propre développement.
De ce fait, elle aide les populations à :
- se concerter et s’exprimer
- acquérir les savoirs et outils nécessaires pour modifier leurs conditions de vie
- planifier des actions de changements et de développement
- résoudre les conflits et améliorer le fonctionnement de leurs institutions,
- affirmer, défendre et promouvoir leurs droits politiques, sociaux, économiques et culturels,
- mobiliser des ressources humaines, financières et techniques,
- entretenir et consolider la cohésion de leur groupe, organisation ou communauté.
La communication pour le développement ne vise pas seulement le changement de comportement individuel, mais également au sein de la famille et de la communauté. Elle est, de ce fait, une approche holistique qui exige qu’il soit tenu étroitement compte du contexte dans lequel elle se déploie.
La participation des populations et leur implication
En tant que partenaires et collaborateurs à part entière, elles ne sont pas uniquement une exigence d’équité, elles répondent également à un souci d’efficacité. Les populations concernées sont celles qui ont le plus intérêt aux interventions visant le changement, et elles sont les mieux placées pour en assurer le succès et en garantir la pérennité.
Il résulte de tout ceci que pour être durable, le développement doit tenir compte des facteurs humains et permettre aux communautés concernées de décider elles-mêmes quels sont les objectifs à atteindre et les moyens pour y parvenir. La communication pour le développement est l’outil qui permet ce processus. En conséquence, les orientations à poursuivre consistent à connaître les besoins des communautés et leurs canaux de communication, à animer des processus de participation et de prise de décisions communautaires, à renforcer l’action des agents de changement et à influencer le développement de politiques institutionnelles et nationales.
Adaptation de l’article de Guy Bessette sur « la communication pour le développement en Afrique de l’Ouest et du Centre : vers un agenda d’intervention et de recherche » (CRID).- C4D